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Maîtriser la corrosion : un enjeu majeur pour la durabilité des ouvrages en béton armé et précontraint

Les pays industrialisés doivent faire face au vieillissement continu de leurs infrastructures en béton exposées à la corrosion de leurs armatures. Cette pathologie inévitable touche près de 8 ouvrages sur 10 [1]. 


La maîtrise de la corrosion est devenue impérative pour assurer la durabilité des ouvrages en béton armé et précontraint. De nombreux ouvrages en France atteindront prochainement la fin de leur cycle de vie, nécessitant des moyens d'entretien et de remise en état conséquents.


Aujourd'hui, la tendance prédominante est à la réhabilitation plutôt qu'à la démolition et à la reconstruction. Ce changement d'approche s'explique par les coûts directs de la reconstruction (matières premières, main d’œuvre, etc.), les coûts indirects liés à la mise en place de solutions provisoires pendant les travaux, mais aussi par une volonté de préserver les ressources de la planète et de minimiser le bilan carbone.


Le vieillissement généralisé des ouvrages en béton


Dans les pays développés, le profil d'âge des infrastructures en béton armé reflète un pic de construction dans les années 60. Avec une durée de service théorique d'environ 50 ans pour un bâtiment et de 70 ans pour un pont, cette longévité peut être considérablement réduite en cas de corrosion. Certains ouvrages peuvent présenter les premiers stigmates de la corrosion au bout de quelques années seulement.

 

Suite à la catastrophe du pont Morandi, une mission d'information entreprise par le Sénat a mis en évidence l'état inquiétant des ponts français du réseau routier national (RRN).


Dans la continuité de cette mission parlementaire, le Programme National Pont, piloté par le CEREMA, a permis d’affiner la photographie de l’état du patrimoine français. Un pont recensé sur 3 présente des défauts significatifs de structure qui vont nécessiter des actions de réparation dans les prochaines années.


Ce constat devient encore plus alarmant pour les grands ouvrages précontraints, avec des défauts majeurs observés dans plus de 7 cas sur 10. Le viaduc de Saint Cloud en est le parfait exemple. L’ouvrage d’art parisien présentait les mêmes stigmates de la corrosion que son homologue génois. La direction des routes d'Île-de-France a opté pour un traitement par protection cathodique afin d'enrayer la pathologie de corrosion et de prolonger sa durée de service de 50 ans.


Viaduc de Saint Cloud sous protection cathodique depuis 2017
Figure 1 : Le Viaduc de Saint Cloud et dégradations induites par la corrosion des aciers. Il est sous protection cathodique depuis 2017 : travaux de réhabilitation réalisés par la société Freyssinet. Crédit photo : Freyssinet.

Le cas particulier des ponts reflète le mauvais état global des infrastructures en France, qu'il s'agisse de bâtiments, de centrales nucléaires, de tunnels, etc. Aucune structure n'est épargnée. Ce constat peut être généralisé à l'ensemble des pays industrialisés, faisant de la durabilité des structures en béton l'un des défis majeurs du XXIe siècle.


Schéma conceptuel de durée de vie d’un ouvrage en béton exposé à la corrosion


La corrosion des aciers dans le béton est une pathologie évolutive. Selon les travaux de Tutti, la durée de vie d’un ouvrage en béton armé ou précontraint affecté par la corrosion peut être subdivisée en plusieurs phases, de sa construction à sa ruine.

 

La figure 2 illustre l'évolution temporelle du degré de corrosion d'un ouvrage en béton au cours de quatre grandes phases : incubation, initiation, propagation et dégradation.


Durée de vie d'un ouvrage en béton armé ou précontraint soumis à la corrosion de ses armatures en acier.
Figure 2 : Description de la durée de vie d’un ouvrage en béton armé ou précontraint exposé à la corrosion. On distingue 4 grandes phases : incubation, initiation, propagation et dégradation.

Incubation


Le stade d’incubation de la corrosion représente la période pendant laquelle les agents agressifs (dioxyde de carbone et chlorures) pénètrent à travers la porosité du béton et progressent vers le ferraillage. Durant cette phase, l'acier demeure protégé par la couche d’oxydes constituant la couche de passivation.

 

La durée de la phase d’incubation dépend de divers paramètres, notamment :


  • L’enrobage des aciers, qui agit comme une barrière physique protectrice. La norme EN 206 spécifie l'épaisseur minimale à respecter en fonction des conditions d’exposition de l’ouvrage. Un positionnement inapproprié de la cage d’armatures pendant la phase d'exécution constitue la cause principale d’initiation précoce de la corrosion.

  • Les caractéristiques physico-chimiques du béton. Une porosité élevée facilitera notamment le transport des agents agressifs.

  • L’agressivité du milieu. Par exemple, une digue en béton en contact avec de l’eau saumâtre aura une durée d’incubation plus longue que le même ouvrage en contact avec de l’eau de mer, plus concentrée en chlorures.

 

Si les agents agressifs n'ont pas encore atteint les armatures, la connaissance de l'épaisseur du béton contaminé permet d'évaluer le risque de corrosion à venir. En conséquence, des mesures de prévention physique (revêtement protecteur) ou de traitement électrochimique du béton (déchloruration et ré-alcalinisation) peuvent être appliquées pour retarder le processus d'initiation et assurer la durabilité de l'ouvrage.


Initiation


Lorsque les agents agressifs atteignent les aciers les moins enrobés en quantité suffisante, la couche de passivation est localement détruite. L'acier, initialement passif, devient actif, générant ainsi une pile de corrosion galvanique dans l'ouvrage en béton.

 

Le critère d’initiation dépend de la pathologie de corrosion :


  • Pour la carbonatation, la dépassivation de l’acier survient lorsque le pH de la solution porale descend en-dessous de 9.

  • En ce qui concerne les chlorures, l'initiation de la corrosion se produit lorsque la concentration en chlorures au niveau de l’acier dépasse un seuil critique. Ce seuil varie d’un ouvrage à l’autre et dépend notamment de la formulation du béton ainsi que de la qualité de l’interface acier-béton.


Propagation


Après son initiation, la corrosion se propage progressivement. L'acier actif se dissout, générant du courant pour le reste du ferraillage sain où le critère d’initiation n'a pas encore été atteint.

 

La cinétique de corrosion dépend de plusieurs facteurs, notamment la résistivité du béton. Une résistivité plus faible accélère la dissolution de l'acier. De même, la disponibilité en oxygène joue un rôle crucial, étant une composante indispensable à la réaction cathodique de corrosion. Une faible quantité d’oxygène entraîne une corrosion latente, observée, par exemple, dans les ouvrages immergés.

 

Au cours de cette phase, la zone d’acier active s'étend, et le front d'agents agressifs (chlorures et carbonatation) continue de progresser, initiant d’autres zones.

 

Pour contrer la propagation de la corrosion et éviter des dommages structurels, la protection cathodique s’impose comme le traitement le plus efficace. Sa mise en œuvre à un stade précoce permet d'éviter des travaux de réparation particulièrement coûteux.


Dégradation


La propagation de la corrosion conduit inexorablement à la dégradation structurelle de l'ouvrage en béton.

 

Dans un premier temps, les oxydes de fer expansifs formés lors du processus de corrosion exercent une pression sur la matrice cimentaire, provoquant fissuration et perte d'adhérence de l'acier. Ces altérations esthétiques dues à la dégradation du béton d'enrobage apparaissent le plus souvent bien avant les défaillances structurelles. Bien que précoce, ce phénomène alerte le gestionnaire de la structure sur le risque imminent d'effondrement.

 

La corrosion de l'acier dans les zones actives entraîne également la réduction des sections d'armature, diminuant ainsi la capacité portante de l'ouvrage qui ne peut plus supporter les charges prévues.

 

Effondrement d'un immeuble résidentiel à Miami à cause de la corrosion de ses armatures
Figure 3 : Effondrement d'un immeuble résidentiel à Miami en Floride dont la corrosion pourrait être responsable.

En outre, la corrosion de l'acier modifie sensiblement son comportement mécanique. Contrairement à l'acier sain, qui présente une certaine ductilité, la corrosion réduit le palier plastique de l'acier, le rendant moins déformable et plus fragile. Cette diminution de la capacité de ductilité expose un ouvrage corrodé en zone sismique à un risque d'effondrement soudain, mettant en péril la sécurité des usagers, avec des risques de blessures physiques, voire de décès.


Lorsqu'un stade avancé de corrosion de l’acier est atteint, une approche curative est essentielle pour stopper sa propagation et remédier aux désordres structurels induits. Cependant, la restauration du béton dégradé est une étape préalable incontournable à la mise en place d'un traitement électrochimique. Il convient même de prévoir un renforcement pour les éléments de structure particulièrement dégradés.


Garantir la durabilité des ouvrages en béton armé ou précontraint


La maîtrise de la corrosion de l’acier dans le béton est cruciale pour garantir la durabilité de notre patrimoine bâti. Face à cette pathologie évolutive, un diagnostic de corrosion, basé sur des mesures sur site et en laboratoire, devient impératif pour déterminer son stade d’avancement et préconiser un traitement adapté. Le diagnostic fournit également les données nécessaires pour un dimensionnement optimal du traitement.

 

Pour les nouvelles constructions, la prédiction de la durée de la phase d’incubation permet une maintenance préventive à moindre coût. De plus, de nombreux projets intègrent, dès la construction, un système de protection cathodique pour prolonger la durée de vie de l’ouvrage.

 

Quel que soit le type de projet, construction ou réhabilitation, des solutions existent pour lutter contre la corrosion des aciers dans le béton. Bluespine offre un accompagnement personnalisé et certifié pour évaluer la durée de vie résiduelle de l’ouvrage, recommander puis dimensionner des solutions de traitement adaptées au stade d’avancement de la corrosion.




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